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DSCI9892

Dans l’œil du cyclone, un sakura.
… Voilà. S’il fallait décrire Hanami Sonata, c’est ainsi que je le ferais : la beauté poignante d’un sakura en floraison, dans l’œil du cyclone. Violente est la tempête tout autour, tandis que se jouent simultanément le sort d’une gamine coincée dans l’univers digital du Grid et le devenir des citoyens fays à travers deux pays, et que des êtres en quête d’unité primordiale se cherchent et s’éprouvent.
Mais au centre, au cœur, au plus précieux, il y a la merveille absolue de visions qui ne me quittent plus — la paix d’un lac au Japon où repose un grand trésor, la splendeur d’un cerisier à Frontier —, et la résonance unique de cœurs qui s’accordent dans la contemplation de la nature, y communient par-delà le fracas du monde. Pour sceller l’enchantement, il fallait rien de moins que la plume d’une grande amoureuse du peuple de sève japonais — et il fallait bien un si puissant enchantement, pour accomplir la symbiose entre ce dialogue intime et tendre avec la beauté et les éclats et échos torturés d’une histoire d’amour et d’exil.

Mais c’est aussi, Hanami Sonata : une tragédie ancienne, toujours plus douloureuse (ô combien) à chaque relecture, à présent que l’on sait les éclairs en puissance dans les cieux qui s’assombrissent. À une différence, essentielle : pas de chœur encombrant, ici, pour se lamenter dans l’impuissance, mais une empathie à l’œuvre, magnifique, dans la présence, le regard et l’action des compagnons du duo que forment le Maître de Kodo et la Maîtresse d’Échos.

Et encore : le récit d’une éclosion, d’un avènement à soi par la voie vers l’Autre et par la torture d’une cruelle décantation intérieure. Il y a là une dureté, une violence intérieure à l’œuvre qui n’est pas sans m’avoir rappelée ce que traversait Angharad au fil de La Sève et le Givre. Pour que, de la formidable créature féerique qu’était Nicnevin, Monarque d’Ombre et grande guerrière, émerge la Fay Crescent, il fallait un sacré choc tectonique. C’est à cette transformation interne, ce changement nécessaire, que l’on assiste là — en recevant au cœur la douleur de cette grande âme —, ainsi qu’à de nouvelles variations sur le thème du destin, des masques et des responsabilités que l’on porte.

Ah, et ceci : un carrefour, d’importance cruciale. Hanami Sonata n’est pas la bouture d’une novella publiée dans Sacra pour rien. Quel superbe espace de rencontre que les pages de ce roman ! Rencontre entre le Japon ancien, ses arts, ses valeurs si magnifiquement incarnées par Izôkage Hatsuyuki, et le monde moderne, entre des cultures en plein exercice d’apprivoisement (culture japonaise et culture occidentale, mais aussi culture féerique), entre des pans de l’univers de Léa Silhol (Vertigen, Frontier,  les enfants de Seppen, qui enfin se dévoilent plus longuement en nous accueillant dans l’ancienne demeure familiale, ainsi que des échos de l’ovni Fovéa) qui convergent soudain les uns vers les autres en une danse complexe et passionnante, à ne manquer sous aucun prétexte pour les fans de l’auteure. Et pour les autres, les chats curieux qui désireraient explorer l’œuvre, vous tenez là une sacrée, et sacrément belle, porte d’entrée !

Et sur ce, camarades lecteurs — je m’arrache à l’écran, et m’en vais sourire, devant l’étang, au souvenir précieux d’un lac, en savourant la paix qu’il invoque, et recueillant encore, et encore, du fond du cœur, la belle voix du Maître de Kodo, qu’il invoque tout autant. Et lorsqu’au détour du sentier je saluerai l’amandier, c’est aussi à la silhouette en surimpression d’un cerisier mythique que s’adressera mon salut silencieux, tandis que j’écouterai se déployer, dans la contemplation de ses branches en fleurs, la voix bouleversante de la Maîtresse des Échos.
J’étirerai dans la marche la résonance de ses paroles dans les dernières pages de l’œuvre.
Puis je rentrerai poursuivre ma lecture du Seppenko Monogatari — vers le choc frontal du bolide Gridlock Coda !

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1999 – Kyoto
Dans une demeure antique, nichée sous l’épaule des forêts d’Arashiyama, la mangaka Izôkage Fuyue est perdue dans la neige d’un écran, connectée à la matrice par ses cheveux // Près d’un saule, le parfumeur Hatsuyuki, son frère, révèle à cinq visiteurs venus d’occident le secret des tatouages de Kamen // Sous la pluie diluvienne du Grid, un hacker fay court, entre les lames des unités contre-mesures et les strates de Glace Noire // Sous l’aiguille et le sourire d’une ancienne, le destin de la prêtresse de Frontier prend vie comme une étincelle vouée à ne jamais craindre l’extinction, tandis que les couleurs descendent du ciel blanc sur l’aile des feuilles d’érables // Sur un store teinté de bleu nocturne, la silhouette d’un homme inscrit les stances du Bushido, en contrepoint des métaux d’un tableau oublié de Klimt /
… // …
1999-2013 – Seattle / Kyoto / New York / Tokyo…
Entre les Fays de Frontier et les Izôkage, de part et d’autre de l’océan, la trace de ce qui a été noué demeure, le long des fils coruscants de la matrice, de la brûlure des encres, du rouge du sang, du grand blanc des deuils, et de la chute incessante des pétales de cerisier.
Puisque la fraternité et l’amour sont, comme l’Hanami, une boucle qui n’a pas de fin.

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Ce sont des temps bien sombres pour évoquer le second opus de Sacra, Parfums d’Isenne & d’Ailleurs, indissociable de son frangin. Ce sont, certainement, les meilleurs des temps ? Alors que le vacarme du monde, les dissonances et deuils que l’actualité dépose chaque jour dans le paysage du monde, marée après marée et nausée après nausée, me poussaient fortement vers Fo/vea… par les ailes de Jebraël, par l’expo d’une photographe et la lettre d’un Alcibiade, par les étoiles dans le ciel d’Istanbul — je revenais à Sacra, toujours.
Ce sont, assurément, les meilleurs des temps. Dark times & darkest dreamings — une intéressante conjonction astrale pour aller chercher dans ce recueil, à travers les indices reliant les œuvres de Léa Silhol, et les traces de combats passés et annoncés, du sens pour nourrir le feu sacré.

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 … Des temps pour aller à Londres se perdre dans un labyrinthe urbain, et la contemplation d’ombres et d’objets d’art qui dépassent le simple effet de lumière. Je connaissais “Lumière Noire”, via sa précédente parution en anthologie, mais jamais je n’avais autant apprécié cette nouvelle que tissée en Sacra, en résonance interne et profonde harmonie sur le thème du passage vers cet Ailleurs qui interpelle tant nos âmes humaines…
…Des temps pour faire un pas de plus vers la découverte d’Isenne, et partant vers l’amour d’icelle. Il y a des passages, dans la nouvelle “Sfrixàda (L’Empreinte, dans la Cendre)”, des instants cristallisés, qui appellent le cœur à se donner sans retour, et sans conditions, pour des valeurs, et les expressions de visage — un regard dangereux, un sourire féroce — qui les dévoilent. Lire « Sfrixàda », c’est assister à la rencontre d’une grande âme et d’une grande cité ; lire Sfrixàda dans Sacra, c’est savourer, éprouver le clic par lequel s’assemblent cicatrices arborées et célébration de l’intégrité. Et ce, alors même que les cieux du monde affichent le présage d’épreuves à venir…
… Des temps pour célébrer le ciel, le passage des étoiles et leurs envols de feu, depuis les murs d’une demeure stambouliote, en compagnie de créatures mythiques aux cœurs accordés et aux caractères rivalisant de séductions — que ce soit dans l’action, l’audace, et la fidélité. Sur les accents nostalgiques de “L’Etoile, au Matin”, qui a déjà touché les lecteurs de Fo/vea, “D’une Étoile à l’Autre” déroule la musique d’une bataille décisive qui s’avance, rassemblant les forces amies à travers tous les pans d’univers silholiens, et non sans de terrestres, terribles arrachements…

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… Des temps pour explorer plus avant encore, après Istanbul, de l’Empire khazar à la République d’Isenne, la merveille des cœurs fidèles. J’avais adoré “La Faveur de la Nuit”, revenant sans m’en lasser, au fil des parutions, à ce récit aux accents théâtraux, et initiatiques, reliant l’histoire d’un peuple fascinant et méconnu à la beauté des nuits sous l’égide de Finstern : sa version longue et remixée, “Béni Soit l’Exil”, m’a carrément renversée, avec la force de frappe et l’éclairage d’un coup de foudre. (Ai-je déjà dit combien chaque rencontre avec Isenne, et Angharad, est l’occasion de tomber plus profondément, et irrémédiablement, en amour ? Oui ? Right so.)
… Des temps pour aller au Japon parler, en des temps de fer, de violence et de guerre, le langage de la paix, et les inflexions dures du devoir, du destin, des âmes déchirées. Petit roman, grand texte, point de jonction où se retrouvent les descendants de “Gold” et de “La Loi du Flocon” (et tellement plus encore), où les fays pénètrent dans le monde des kamis, où les ors du Kintsugi côtoient les encres de tatouage et le cyberpunk rencontre le folklore, “Le Maître de Kōdō” représente un jalon essentiel, surprenant et attachant, de la Trame — à l’intègre image de l’ensemble du double recueil Sacra (les amoureux de Vertigen autant que les âmes éprises de Frontier se feraient grand tort de passer à côté !). Et tandis que les cœurs se reconnaissent et s’éprouvent, les alliances se nouent et les forces se rassemblent, encore, sous des cieux sombres, percés de fulgurantes splendeurs…
… Des temps pour aller — vers le pinacle, vers l’abîme — méditer en contemplant le sourire et la silhouette des Bouddhas d’Afghanistan. Depuis sa première parution en anglais, je n’ai jamais cessé de revenir vers “Emblemata”, chaque fois que le sense of doom, la consternation devant les destructions en tous genres qui s’opèrent ici-bas, menaçaient de m’emporter en spirales de noirceur et de misanthropie. Rencontre entre une figure historique et une figure mythique au pied d’œuvres d’art vouées à une prochaine disparition, ce texte fut, pour moi qui ne suis pas bouddhiste, ma première expérience, crucifiante et lumineuse, du Sutra du Cœur qui en inspira l’écriture — et, pour le nombre de fois où j’y suis revenue, entre révolte et amour : une expérience vraie, et réussie. Blessings à l’artiste pour m’avoir appris cette récitation à laquelle langue et cœur se montrent initialement rétifs comme baudets.
… Des temps enfin, parce qu’Emblemata, et l’Irlande de “À Travers la Fumée”, et l’écho des événements de Londres en ouverture de ce second opus — parce que, aussi, tous les indices pointant au fil des œuvres de Léa Silhol vers cette cité —, pour un finale à New York, les tours du World Trade Center en ligne de mire. Pour un new deal, et plus encore un sense of wonder qui offre une merveilleuse réponse au thème de la perte dans “Emblemata”, et à l’ensemble des voix de Sacra.

 Il reste, décidément, de la beauté et du feu sacré parmi les crasses de notre ère. Des œuvres comme Sacra, des compagnons de route et de barricade, qui nous parlent encore — dans le larsen d’aliéanantes actualités — de la tension douloureuse et extatique des âmes vers l’Ailleurs, et des harmonies que produisent ceux qui se reconnaissent en pareil mouvement.

 [Ceci, bien évidemment, n’a rien d’une chronique ou critique. C’est l’extrait d’un journal intime, développé un jour de méditation désespérée sur les laideurs de l’actualité, avec pour bande-son la section “Quête / Révolution” de Alchemical Hooligan (et celle de Kingdom of Heaven en filigrane).]

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Une fois encore, les lignes des fils tendus se croisent, et les quêteurs de secrets se rassemblent, cherchant le chemin vers les codes, rites et fragrances du grand carrefour du monde, et ce qu’il reste de la splendeur…
Autour… de la lueur d’une lampe noire dans une boutique d’antiquités de Kensington ~ des cérémonies initiatiques des adeptes de Morphée, et des songes de braise des Khazars ~ du pas des Nephilim sur la route des âges, et des formules de la vacuité et du détachement, sous l’ombre des statues du Gandhara ~ de l’écho du rire d’Angharad sur les murs des palazzi lagunaires, et du café embaumé d’épices d’un Lucifer mécréant ~ de la couleur envoûtante des érables à Kyoto, au miroir coupant de retrouvailles dans les rues de New York… Dans le souffle brûlant des athanors d’Isenne, les vapeurs des braseros oneiroi, et le parfum du bois d’Agar des cérémonies de Kodo japonaises, le diagramme mouvant du Sacré se dessine et s’efface, une nouvelle fois…

Il ne restera de ces trajectoires de feu, à la fin, que l’empreinte de pas de foudre dans les braises, le sable coruscant et la cendre, et la fumée tenace d’un millier de parfums répandus.

Sous l’égide des Muses et le claquement des bannières du Jinnistan dans les vents de Qâf, par les Sceaux qui convoquent les Déchus et les dieux exilés ; au calame persan, au couteau de peintre, et au plomb des vitraillistes, Léa Silhol, architecte des univers croisés de Vertigen, Frontier et Isenne, conclut le tissage d’une rose des vents en forme de piège à rêves, passionné, viscéral et intransigeant, à l’image des âmes démesurées qu’elle ne se lasse jamais de dépeindre.

Fil d’Ariane

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Anis & Jay

Quand Jay conduit, il remodèle les volants.
Ainsi résonnent les premières notes de la voix d’Anis, dans ce choeur, ce recueil, Musiques de la Frontière, mon compagnon de route constant depuis 2005, le genre d’œuvre, vous savez, que l’on embarquerait avec soi lorsque tout ce qui compte doit tenir dans un sac à dos, et dans la boite à trésors du cœur.
Quand Jay conduit, il remodèle les volants.
Une ouverture si parfaite, si parlante, à l’histoire de ce couple brûlant, que bien souvent je l’ai sentie me traverser sans avertissement, au cours de mes errances urbaines. Filant sur les chemins, pliée sur le guidon, concentrée sur ce sixième sens et ce lien spécial à l’univers qu’engendre la vitesse, et soudain, une voix passe. “Quand Jay conduit”… Léa Silhol a l’art de ces phrases qui s’insèrent avec une grâce aigüe dans les courants du monde, pour y couler, évidentes, comme si elles avaient toujours été là, vraies comme un souffle — et comme l’acier.
Dix ans après “Vado Mori” — dix ans, pour nous ; pour elle, dans la droite ligne des événements — … Anis a pris le volant, et la parole, et nous a embarqués, hitchhikers chamboulés d’être là, dans sa quête, focalisée sur le but de sa course, la source et l’estuaire d’où viennent, vers où filent les courants sauvages de son récit : Jay.
“Vado Mori” disait les suites immédiates d’un acte lourd que commit la jeune femme. Il était question, alors, d’en affronter et assumer les conséquences, et d’y survivre (ou non). A présent, il revient à Anis, au fil de la route et d’une introspection sans pitié, de se définir par rapport à son geste, et par rapport à un monde où la renaissance de la féerie dans les cités, cet avènement inespéré de la beauté et de la magie, a fait surgir le pire en nos humaines sociétés : racisme, violation des droits de l’homme et de l’enfant, haine de l’autre. Elle, la privilégiée, enfant choyée d’une famille riche et respectée, amoureuse d’un guerrier fay que la vie s’est chargée d’écorcher vif dès son plus jeune âge… qui est-elle, que va-t-elle emporter d’elle à Frontier, où l’attend, peut-être, Jay, et de quelles peaux lui faut-il se dépouiller chemin faisant, sachant ce qu’elle a accompli ?
La route, comme un creuset alchimique, une épreuve initiatique. La route, son ruban de bitume où dérouler ses voyages intérieurs, vaut tous les psys du monde. Cette route-là surtout, sans merci et pourtant incroyablement riche en nuances, car l’auteure est tout sauf une adepte des jugements rapides et des raccourcis faciles.
Et ainsi va Anis, vers Frontier en aval et la validation de son épreuve. Égrenant ses souvenirs au rythme des kilomètres (tandis que nous avalons les pages sans pouvoir, nous non plus, nous arrêter), revenant sans arrêt, dans la douleur décapante de la séparation avec l’homme qu’elle aime, vers l’amont, l’étincelle initiale et l’embrasement de leur relation, chaque station de leur parcours passionné l’un vers l’autre. Sur ce parcours commun défilent tous les panneaux que l’on peut trouver dans les labyrinthes à la Fo/vea, ceux qui disent — qui hurlent, en majuscules et caractères gras — l’humaine litanie des “TRUST NO ONE / … / PROTECT YOURSELF / … / GIVE UP”. Et ces deux-là mettent à abolir les distances, les frontières, les prudences, les peurs, une intégrité renversante, à l’œuvre jusque dans leurs failles, et une ferveur féroce, propre à renvoyer au rayon des soupes lyophilisées toutes ces insipides romances paranormales que l’on voudrait nous faire avaler en série en guise d’urban fantasy. Propre à nous faire tomber en amour pour le couple qu’ils forment, fans de leurs véloces passes verbales et de leurs pas de danse en beauté, et à éveiller en nous des sentiments un peu (farouchement) protecteurs. On veut cogner des murs pour demander raison des laideurs insupportables que leur inflige l’univers, et tout autant claquer des bises sonores aux frères qui veillent sur eux, Fallen, Priest, Crescent, Faol, toute cette tribu superbe d’anges et de furies dont la lumière brillait déjà comme un fanal dans Musiques de la Frontière, et qui fracture le récit d’éclats de rire qui sont autant de fulgurances dans un ciel des plus noirs, d’abolitions de la gravité sous un horizon plombé. Comme un exorcisme, et il en faut, car cette histoire est pleine de monstres, et ils ne résident pas dans les terra incognita des cartes géographiques (là où se cache la merveille de Frontier) : ils sont parmi nous, avec pignon sur rue, vernis de respectabilité, et bénédiction des autorités. Alors on rit aux larmes en même temps qu’on chiale sa race, la tête renversée vers le ciel tandis qu’un uppercut nous cueille au plexus. Double mouvement pour un monde complexe, KO magistral, du genre dont on se relève avec rage et gnaque, une sainte colère et un sentiment de grâce.

Il y a dix ans de cela, lorsque les fays de Musiques de la Frontière sont entrés dans ma vie, j’aurais juré que la rencontre, la vision salutaire de Frontier, était de ces magies de l’Art qui n’arrivent que once in a lifetime — et ce feu, de fait, est assez puissant pour tenir de fuel sur une vie entière. Je sais désormais, avec Possession Point, que la foudre peut frapper plusieurs fois au même point, et la grâce revenir, transformée, telle une vague aux nuances renouvelées, toujours plus profonde. Et tandis que l’esprit électrifié explore les fils dévoilés de la trame d’une Œuvre qui, de livre en livre, par son architecture où tout fait sens, n’en a pas fini de nous sauver des absurdités de notre monde, le cœur roule de page en page, vers Frontier, toujours.

Possession Point

Tes iris à toi, mon ange, avaient la couleur de la mer avant l’orage, aux rives d’Half Moon Bay. Toutes les Mavericks de Pillar Point y écrivaient en germes les promesses que tu tenais. Je roule parfois jusque là-bas pour jeter un sucre au manque qui me tient dans ses tenailles. Je marche de Ghost Trees à Half Moon Bay. Pour regarder les vagues, de peur d’oublier tes yeux. Quelque part entre les fantômes des arbres et le meurtrier Pillar Point, assise à même la poudre de mon sablier, je bois cette couleur. Je la respire, pendant qu’elle reflue et déferle. J’essaye, une fois encore, d’élucider la technologie de ce mystère. De comprendre comment le monde des hommes transforme la couleur des Mavericks en cadrans d’horloges. Comment le rythme des vagues immenses a pu s’enrouler pour devenir, dans tes yeux, ce cercle de métal auquel j’ai donné un tour ou deux, jadis. C’était un rouage. Mais tout autant, je le sais bien, la face implacable d’un barillet.

Dans un monde transfiguré par le retour de la Féerie, Anis a pris la route, à la recherche d’une cité légendaire dont on dit qu’elle ne se laisse trouver qu’à son gré : Frontier.
C’est dans la “ville au bord du monde”, patrie des fays, que vit à présent l’homme qu’elle a aimé, et trahi : Jay, membre du redoutable gang changeling de Seattle.
À travers leur histoire, feuilletée comme un album photo depuis le jour de leur rencontre jusqu’à celui de leurs hypothétiques retrouvailles, c’est la vie de tous les Premiers qui se dévoile, durant les années précédant et suivant directement le fondation de l’utopie que fays & fées nomment Le Seuil.

Fil d’Ariane

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TisseusesA tout seigneur, tout honneur.
Grande warlady de la lutte anti-ReLIRE et pour les droits des artistes en général, Léa Silhol a réédité cette année un volume rescapé du pillage orchestré par les fonctionnaires de la BnF. Publiés dans un premier en édition souple, et à l’identique, en avril dernier, les Contes de la Tisseuse viennent de se voir offrir un magnifique écrin nouveau, en format relié, avec illustrations inédites en couleur de Dorian Machecourt, et augmenté d’une série de courts textes également inédits, « Voix de Fées ».
Par-delà les postures rances d’éditeurs dépassés, par-delà les attaques faites au droit d’auteur au nom de la modernité, une autre voie est possible — les lecteurs de Nigredo, les amoureux de Seuil n’en attendaient pas moins !

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Contes de la Tisseuse — Automne

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Tisseuse — FragileJe suis une bestiole assez impressionniste. J’aime avoir, même en art, mes rituels de saison, ces instants où la brise ou le givre porte la mémoire d’un livre.
A cet égard, les œuvres de Léa Silhol occupent une place spéciale dans mon cœur. Il ne passe guère une année où je n’aille à Samhain saluer l’Angharad (jeune alors) de La Sève et le Givre, où je ne repousse à Noël le bruit intrusif des jingle bells pour aller décliner au fil des pages le nuancier des Conversations avec la Mort.
Ce n’est pas rien, alors, que voir renaître, à la lisière entre été et automne, les Contes de la Tisseuse, leur approche sensuelle, sensible, intuitive des saisons, leur lien élémental avec l’eau. Et c’est merveille que voir ces contes sous cette forme accomplie, une édition reliée qui semble appeler la main de Nicnevin la prochaine fois qu’il lui prendra la curiosité de visiter les bibliothèques de Mortalité pour y méditer sur la parole des poètes — et illustrée avec talent par Dorian Machecourt. Ses planches (pleines pages en couleurs, siouplaît) sont d’une beauté à s’y perdre en contemplation. Il ne suffit pas de coller de pseudo-étoiles dans l’eau pour évoquer la féerie, et encore moins l’invoquer : pour passage vers l’univers silholien, l’artiste déploie des scènes où l’essence d’une saison s’infuse d’une fascination très éloignée des trivialités humaines, et portant néanmoins la marque du temps.

Contes de la Tisseuse — Eté
Fut un temps où les leçons du folklore rythmaient et nourrissaient la sagesse du calendrier. Sur les pages du mien coule, avec les grains du sablier, l’encre des créations de Léa Silhol — élémentale, connectée aux courants naturels, et charriant toute la puissance de ses intuitions. Elle coule, et l’on se laisse porter, immerger, entraînés par la profondeur de ces eaux, et confiants que le fond y fait sens. Un sens tendu vers le questionnement du Destin et l’exploration des failles fatales, vers le dépassement et l’accomplissement, vers ces espaces sublimes où les êtres d’humanité et les créatures mythiques parviennent à la rencontre.
Et ainsi… Lorsque le ciel estival roule comme un orage ses menaces de stase, je sens le temps venu d’une visite à la jeune Gorgone, dans le Pavillon aux Eclipses. Dans le craquement des feuilles d’automne, j’entends la voix lente des Fallon. Les nuits de cristal, froides et pures, mordantes, relèvent du règne du flocon, et de la terrible Yuki Onna. Dans les élans vitaux du printemps qui poussent à la course en avant, vers ailleurs, je perçois toujours, le coeur vibrant, le rythme de rail d’un Runaway Train.
Et, prise aussi dans les rythmes séculiers, il ne passe pas un Noël sans que j’aie une pensée de flamme pour les anges rebelles, leur choix de la Terre, et les ailes de Jebraël.

Voix de FéesReste à saluer, une fois déroulé le fil d’eau de ces Contes, l’une des grandes surprises de cette réédition : l’inclusion d’une série de textes inédits, Voix de Fées — un ensemble de vignettes travaillées initialement en vue d’une diffusion radio, et donnant la parole à quelques représentants du monde de Féerie.
En créature élémentale, il ne m’aura pas fallu plus de deux-trois pages pour tomber sans retour sous le charme d’une chanteuse des océans, et d’un natif du feu.
Ah, la puissance d’une Voix…

Le Temps et l’eau filent. Ils ont ceci de semblable au sort des hommes qu’ils obéissent aux marées des ères, saisons et cycles.
C’est là une horloge fatale, dont rien ne saurait – croit-on – briser le tempo. L’eau et le temps donnent la mesure, filant, filant…
Et sur le fil de cette course, les Moires, maîtresses du Destin, se dressent, allouant à chacun son Sort : ses grandeurs et ses chutes, et l’impitoyable rétribution de ses démesures. C’est à elles, auquelles mêmes les dieux doivent se soumettre, que la mythologie accorde toujours le dernier mot.
C’est sous leur égide terrible que l’auteur expose ici les destinées des hommes, anges, fées et dieux, des élus et des damnés, des monstres et les saints, pris dans la nasse de ces fils tendus. D’Orient en Occident, de la Grèce antique aux autoroutes américaines, entre Fantasy mythique et Urbaine, et toujours sous le signe de l’eau.

Dans ce premier recueil, publié en 1999, LS, une des plumes les plus intuitives et poétiques de son temps, orchestre le ballet tendre et cruel des hommes contre leur fatalité, et pose les les bases d’une toile infinie qui deviendra, au travers des sept volumes suivants, l’univers protéiforme de ‘La Trame’.

La présente réédition est illustrée de planches inédites en couleurs de l’artiste Dorian Machecourt, et suivie de la série :
“Voix de Fées”
Suite inédite à ce jour de courts textes écrits en 2004 pour Radio France ; dans lesquels les membres du royaume fae, petits et grands, brownies, sirènes, changelings et djinns exposent, à la première personne, leurs aigres-douces biographies.

Fil d’Ariane

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Dans les montagnes noires

Chroniques de mondes d'ailleurs

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Zoé prend la plume

Et vous ouvre les portes des littératures de l'imaginaire

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Arts explorer - AI - Writer

Le Syndrome Quickson

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Autrice de fantastique, d'occulte contemporain et de féerie urbaine ~ ancienn. Vanessa Terral

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Charybde 27 : le Blog

Deux lectrices, un lecteur, trois libraires, entre autres.